Devlog7 - Système (2/2)

 

Troisième principe : l'invitation à participer

Lorsqu'on joue une partie de jeu de rôle en groupe, on peut se faire surprendre par les idées des autres participants et participantes. Notre système devrait encourager ces interactions et nous pousser à jouer ensemble plutot que chacun notre tour. Dans un modèle de jeu classique, le dialogue MJ/PJ permet cette dynamique de groupe. Chacun contribue par ses propositions à la construction des situations de jeu. Mais dans le système envisagé par Radio Ciel Vert, en raison des deux premiers principes, la participation des autres membres du groupe n'est pas vraiment nécessaire. Et souvent c'est très bien comme ça. En tant que joueur j'aime utiliser certaines actions pour dévoiler des choses à propos de mon personnage. L'action est une vitrine qui met en avant certains traits de mon personnage. Je n'ai pas toujours envie que quelqu'un interviennent dans ces moments là. J'ai l'impression (à tort ou à raison) de maîtriser la situation. Mais il y a aussi des situations où j'ai envie que les autres apportent leurs idées, où j'ai envie de les faire participer pour qu'on construise une situation ensemble même si elle ne concerne que mon personnage. Il me faut donc un système où je puisse inviter les autres à participer mais aussi préserver des espaces personnels d'expression. 

Avec le premier principe, on sait que la personne qui agit décide de l'issue de l'action. Avec le second principe, elle risque de perdre un trait de son personnage à chaque fois. Le troisième principe vient se connecter à ces deux aspects : la personne qui agit peut inviter les autres membres du groupe de jeu à compléter ses déclarations, en échange elle gagne un bonus sur son jet de dé pour conserver le trait de personnage. Si elle veut garder complètement la main, pas de problème, elle aura juste plus de chance de perdre temporairement le trait misé. Si elle est prête à ce que les autres ajoutent des éléments à sa description, elle aura plus de chance de le garder.

Une fois assemblés ces éléments permettent de constituer la procédure de résolution suivante :

  • déclarer ses intentions
  • miser d'un trait
  • prendre de 0 à 3 complications
  • lancer les dés : 2d6 + complications
  • sur 9+ le trait misé est conservé
  • sur 8- le trait misé est perdu
  • la personne qui a lancé les dés décrit l'issue de la situation
  • pour chaque complication les autres membres du groupe de jeu peuvent compléter cette description en commençant par "et" ou "mais"


Situation 1 : PJ1 veut convaincre un PNJ de parler, le MJ considère que le PNJ est d'accord pour parler. La scène se poursuit sans interruption. 


Situation 2 : PJ1 veut convaincre un PNJ de parler, le MJ considère que le PNJ résiste et n'est pas d'accord pour le faire, on enclenche donc la procédure de résolution. La joueuse de PJ1 déclare qu'une discussion animée continue entre PJ1 et PNJ, elle mise le trait "Digne de confiance". Elle choisit de prendre 2 complications. Elle lance les dés : 2d6+2 et obtient 6. PJ1 perd son trait "digne de confiance". La joueuse déclare "après quelques minutes de discussion je prends PNJ à témoin, tout le monde sait que je suis réglo. Il accepte d'être enregistré pendant qu'il répond à mes questions". Comme il y a deux complications, les autres membres du groupe peuvent ajouter des détails. Le MJ prend la première complicaton et déclare "mais il ne veut pas discuter ici, il insiste pour te rencontrer ce soir à minuit un peu à l'extérieur de la ville". Le joueur de PJ2 prend la seconde et ajoute "et ses révélations vont t'étonner !".

De mon point de vue, accepter une complication n'est pas mettre son personnage en difficulté (même si ça peut être le cas), c'est tendre une main vers les autres en leur disant : "viennez jouer avec moi". 

Interdépendances

Revenons sur les personnages, ils sont définis par des traits : maitrises, réputations, relations ainsi que par des horizons, des résurgences, des capacités spéciales, des spécialités et des étapes vers l'idéal. Les étapes vers l'idéal servent à la progression du personnage, leur lien avec le système de résolution est indirect. Les capacités spéciales et spécialités sont utilisées pendant la phase de montage dont nous parlerons dans le prochain billet et ne sont pas non plus directement liées au système de résolution. En revanche traits, horizons et résurgences le sont. Les interdépendances entre ces différentes notions étendent le réseau de règles mécaniques du jeu pour connecter personnages, fiction et résolution des actions. 

Les  traits aident à définir le personnage et ses liens avec la société qui l'entourent. Maitrises, réputations et relations sont traitées de la même manière dans le jeu. Quand vous exploitez un de ces traits lors d'une procedure de résolution, vous risquez de perdre l'accès à ce trait pour le reste de la partie. L'interprétation du phénomène varie en fonction du trait : une relation "perdue" peut indiquer qu'elle n'est plus disponible pour aider le personnage (ou pour le motiver quand il pense à elle façon Shonen en criant Athena dans sa tête), un trait de réputation perdu peu indiquer que l'image du personnage change aux yeux du monde ou de son propre point de vue (un bon syndrome de l'imposteur par exemple), une maîtrise perdue peut indiquer que le personnage a épuisé ses connaissances et intuitions vis à vis du domaine considéré, qu'il a perdu confiance en ses capacités, qu'il s'est blessé de manière à ce qu'il ne puisse plus utiliser cette maitrise particulière pour le moment. Il y a un vrai jeu d'interpétation possible autour des jets de dés pour expliquer ce que la perte d'un trait veut dire pour le personnage. L'expérience montre cependant qu'on a tendance à se lasser assez vite de ces justifications, c'est pourquoi elles ne sont pas obligatoires.
Les horizons sont des situations qui résonnent avec l'idéal du personnage. Dans les Chemins du Monde j'avais appelé l'équivalent les "petits bonheurs". Quand un personnage est confronté à ses horizons, la personne qui le joue peut réactiver un de ses traits perdus. Il suffit de le signaler, et il n'y a pas besoin de validation du MJ. Vous êtes l'expert pour tout ce qui concerne votre personnage, c'est à vous de décider ce qui va le rasséréner. A ce stade de développement du jeu, un personnage dispose de 3 horizons et peut en gagner d'autres quand son personnage progresse. Cela pourra évoluer avec les tests. Il y a un équilibre à trouver entre la fréquence de perte des traits suite à l'utilisation du système de résolution et leur retour grâce aux horizons. Et cet équilibre dit beaucoup sur le jeu. Cet équilibre se stabilise autour de deux facteurs : la fréquence d'utilisation du système de résolution et le score à faire aux dés pour conserver un trait. Pendant les parties playtest, il semble que l'équilibre soit trop déplacé vers la conservation des traits : il n'y a pas beaucoup de jets de dés (même pas un par scène, et on joue 4-5 scènes maximum) et ces jets de dés (2d6+complications : 9+ pour conserver son trait) n'ont pas abouti à beaucoup de pertes de traits. Il en résulte que les horizons interviennent très peu dans le jeu, et repésentent un poids mort puisqu'il faut les garder en tête alors qu'ils ne servent pas. De ce fait, l'idéal du personnage n'a que peu d'influence, surtout dans le cadre d'un oneshot/playtest. C'est un point sur lequel il faudra prendre des décisions : changer le seuil de conservation du trait ou multiplier les occasions de jeter les dés.

Interlude : dans la tête du concepteur qui réfléchi à une règle du jeu

Si on monte le seuil à 12+ par exemple, un personnage qui ne prend pas de complication a très peu de chances de conserver ses traits, ce qui pourrait inciter à toujours en prendre, mais comme à 9+ les testeurs et testeuses ont presque toujours fait appel à des complications ce n'est peut être pas si important. Du point de vue des probabilités, les chances de conserver un trait misé sont rassemblées dans ce tableau.
 


 

Donc avec un seuil à 9+, les 3/4 des jets de dés sans complication aboutiront à une perte de trait, avec une complication on passe à un peu plus de la moitité, avec deux on approche le 1/3, avec 3 seulement 1/4 des jets aboutiront à une perte de trait. Avec un seui à 12+, 29 jets sur 30 sans complication aboutiront à une perte de trait, 9 jets sur 10 pour 1 complication, 4/5 pour 2 complications et 2/3 pour 3 complications. 

Si on reste sur 9+ et qu'un quart des jets avec 3 complications environ aboutissent à une perte de trait, qu'on fait 4-5 jets par session, on devrait observer environ 1 perte de trait par partie. Si on prend un peu moins de complications on devrait voire un peu plus de pertes mais ça reste faible.  
Dans les même conditions avec un seuil à 12+, on aurait plutot 4 pertes de traits par partie, ce qui rend les choses un peu trop systématiques, autant éliminer l'idée de jet de dés et dire : pour faire une action, rayez un de vos traits, l'idée de complication devant purement une invitation aux autres sans impact sur le "système" alors en place. C'est certainement une façon de joeur qu'il faudrait tester. 

Si on augmente la fréquence des jets de dés, on augmente la quantité de traits perdus et donc l'importance de l'idéal pour les personnages. Mais on augmente aussi le "poids" du système de résolution dans le jeu et les interruptions du récit qu'il représente mais on diminue son impact : il n'est plus réservé à des situations particulières sur lesquelles on a envie de se concentrer.
Un dernier point à considérer semble être le nombre de traits dont dispose un personnage (6-7 traits à la création actuellement). Quand on a beaucoup de traits différents, en perdre un a moins d'impact sur l'intégrité du personnage. Mais permet de prendre des risques plus facilement. Les tests montrent que c'est un nombre probablement trop grand. On pourrait le limiter à 4 peut être.
Que faire ? Que choisir ? et qu'est-ce qui s'accorde le mieux avec la promesse du jeu ?

Comme vous le voyez, le système est encore assez loin d'être définitivement stabilisé. Dans le billet suivant, nous regarderons l'autre grand bloc mécanique du jeu : le Pulse et la phase de montage.
 

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